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Photo du rédacteurMarc Pitti-Ferrandi

Annulation partielle du PLUi de Grand Paris Seine et Oise : Victoire pour les oiseaux migrateurs à la Pointe de Verneuil (TA Versailles, 3 février 2023, n°2005417)


Le Tribunal administratif de Versailles a prononcé, dans son jugement n°2005417 du 3 février 2023, l'annulation partielle du Plan Local d'Urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) concernant la Pointe de Verneuil. Cette décision marque une victoire significative de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et de l'Adiv-Environnement, que j'ai eu le plaisir d'assister dans leur recours contre ce projet controversé.


Un projet d'urbanisation contesté


Le PLUi, approuvé le 16 janvier 2020 par le conseil communautaire de la GPSEO, prévoyait de classer la partie nord de la Pointe de Verneuil en zone à urbaniser (1AUAb) et de créer une Orientation d'Aménagement et de Programmation (OAP) pour le secteur. Ce projet visait la construction d'un nouveau quartier comprenant 600 logements, des commerces et un port de plaisance pouvant accueillir de 150 à 200 bateaux, impliquant la bétonisation d'une zone de nidification et d'hivernage d'oiseaux migrateurs et identifiée comme un réservoir de biodiversité par le Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE),


Les motifs de l'annulation


Pour censurer le PLUi de GPSEO, le Tribunal administratif de Versailles a d'abord relevé les enjeux écologiques majeurs présentés par le site :


"Il ressort des pièces du dossier que le secteur de la Pointe de Verneuil est compris dans la zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1« Plans d’eaux de Verneuil Les Mureaux », les ZNIEFF de type 1 étant définies comme des « espaces homogènes écologiquement, définis par la présence d'espèces, d'associations d'espèces ou d'habitats rares, remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel régional. Ce sont les zones les plus remarquables du territoire ». Le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) identifie le réseau des étangs de Verneuil / Les Mureaux en zone humide et réservoir de biodiversité et sur la partie nord de la Pointe de Verneuil un « corridor alluvial en contexte urbain » avec un objectif de restauration. En outre, le rapport de présentation du PLUi relève dans sa partie « 2.2 Etat initial de l’environnement » que les grands plans d’eau de Verneuilles-Mureaux présentent « un intérêt écologique en tant que zone d’hivernage et de repos pour de nombreux oiseaux d’eau en effectifs importants : Grèbe huppé, Grand Cormoran, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin et Foulque macroule. Des espèces déterminantes sont également présentes : Sarcelle d'été, Bécassine des marais, Martin pêcheur ou encore Goéland cendré. Leur intérêt est dépendant des habitats environnants (boisements, prairies ou secteurs herbacés, îles …), de la présence d’une végétation rivulaire naturelle (roselières etc) ». Le rapport souligne que l’intérêt environnemental des plans d’eau « est dépendant des habitats environnants (boisements, prairies ou secteurs herbacés, îles …) ou encore de la présence d’une végétation rivulaire naturelle (roselières etc) ». Enfin, l’OAP trame verte et bleue identifie le secteur de la Pointe de Verneuil comme un « grand réservoir » de biodiversité, les réservoirs de biodiversité étant définis comme « des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, où les espèces peuvent effectuer tout ou partie de leur cycle de vie, où les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement en ayant notamment une taille suffisante ». Enfin, les zones non lacustres immédiatement attenantes ont été classées par les auteurs du PLUi pour l’essentiel en zone NP définie comme « espaces naturels et forestiers sensibles au regard de leur qualité paysagère, esthétique ou écologique. (…). L'objectif est de protéger ces espaces de tout usage, utilisation des sols, construction ou activité qui ne serait pas compatible avec le maintien de leur qualité, en lien avec l'orientation d'aménagement trame verte et bleue ».


Puis, suivant l'argumentation présentée par les associations dans leur recours, le Tribunal a reconnu que l'évaluation environnementale du PLUi n'était pas la hauteur de ces enjeux et comportait des insuffisances majeures en ce qui concerne les incidences environnementales du projet :


"si le rapport de présentation indique, au titre de l’évaluation environnementale, qu’il procède à une analyse des zones faisant l’objet d’OAP sectorielles, soit les secteurs à enjeux métropolitains et les secteurs plus restreints d’enjeux à l’échelle communale, « détaillant l’état initial de l’environnement, les incidences pressenties du projet de PLUi, à cette échelle, évaluées de manière stratégique ainsi que les mesures prises principalement dans le cadre de ces OAP. », il se borne à relever, en ce qui concerne l’OAP secteur à enjeux métropolitains n°10 et s’agissant de la description initiale de l’environnement, les seuls éléments mentionnés au point 7 sans plus de précisions. Quant aux incidences prévisibles de la mise en oeuvre du plan, le rapport indique que « le projet étant réalisé en renouvellement urbain, les incidences négatives sur la Trame Verte et Bleue du secteur devront être limitées » alors que le secteur de la Pointe de Verneuil était, sous l’empire de l’ancien PLU classé partiellement en zone industrielle AUM1 faiblement anthropisée et en zone N. Il se borne par ailleurs à préciser que « la réalisation d’un port de plaisance pourra avoir des incidences sur la faune et la flore des milieux humides. Le projet prévoit de préserver l’espace de respiration entre le massif de l’Hautil et de la Seine. Le projet contribuera également à préserver les continuités écologiques présentes sur le secteur notamment celles connectant les différents étangs. » et que la trame verte est bleue est prise en compte dans l’OAP n°10 qui se contente de prévoir que « Les coeurs d’îlots sont végétalisés et offrent une prolongation de la trame verte et bleue, les toitures végétalisées sont privilégiées. Les clôtures végétales laissant passer la petite faune sont privilégiées et les vues traversantes depuis les voies circulées sont préservées (fronts bâtis poreux) ». Enfin si l’OAP trame verte et bleue fixe l’orientation de « restaurer la continuité écologique de la trame des milieux humides entre l’étang de la Grosse Pierre et l’étang du Gallardon », le rapport de présentation précise que les orientations des OAP de secteurs prévalent sur celles de l’OAP trame verte et bleue. [...]

Dans ces conditions au regard d’une part de l'importance du projet d’urbanisme prévu par l’OAP secteur à enjeux métropolitains n°10 et du classement en zone 1AUAb d’une partie du secteur concerné anciennement classée en zone N, d’autre part de la sensibilité environnementale de ce même secteur, le rapport de présentation au titre de l'évaluation environnementale était insuffisant, s’agissant tant de l'état initial de l'environnement que des incidences attendues sur le milieu de la mise en œuvre de ces mesures. Cette insuffisance a pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population et d’exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. La procédure est, par suite, entachée d’irrégularité".


Ce jugement fait droit aux arguments présentés par la LPO et l'ADIV, qui dénonçait l'insuffisance de l’évaluation environnementale notamment au regard de :


  • l'absence de justification de la mise en œuvre de la stratégie ERC (Eviter - Réduire - Compenser), ni des choix retenus au regard des exigences environnementales et des solutions raisonnables de substitution, dès lors que :

    • la méthodologie retenue par le maître d’ouvrage pour l’évaluation environnementale consistait à présenter les incidences négatives brutes du projet aux côtés d’incidences prétendument positives du projet, sans détailler les mesures ERC ;

    • le rapport de présentation se bornait à répertorier les incidences négatives et positives du PLUi sur l’environnement, sans toutefois détailler les démarches qui ont été faites pour éviter, réduire, et compenser les atteintes négatives ;

  • l'absence d'information suffisante du public sur les incidences du projet sur l’environnement et l'absence de participation effective du public à l’élaboration du projet.

 


Conséquences et perspectives


Cette décision d'annulation partielle dont il n'a pas été interjetée appel, met un frein au développement d'un projet d'urbanisation écocide sur la Pointe de Verneuil, un espace naturel sensible qui joue un rôle crucial pour la biodiversité locale. Les associations ont salué cette victoire, soulignant l'importance de la protection des zones naturelles face aux pressions urbanistiques.

Pour en savoir plus sur cette affaire, vous pouvez consulter le texte intégral du jugement par le lien ci-dessous et les articles détaillés des associations requérantes sur leur site respectif :



Conclusion


Cette affaire illustre l'importance du rôle des associations environnementales dans la défense des espaces naturels, et constitue un précédent important pour la protection de l'environnement en France. Elle rappelle que les projets d'urbanisation doivent être menés avec une attention particulière aux impacts environnementaux et aux habitats d'espèces protégées, en respectant les réglementations en vigueur et en garantissant une information complète et transparente du public.

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